1960 Articles 19 Vidéos + 100 000 Visites / Mois Bouaké, Côte d'Ivoire
« En Côte
d’Ivoire il n’y a pas de loi qui pénalise l’homosexualité », a réitéré le lundi
16 décembre 2024 à ses bureaux de Bouaké, Lucien Gnizako, le président de l’ONG
« Secours Social ». Ce discours est le même tenu par des structures telles que
la Clinique Juridique et le centre « ENDA Santé » à Bouaké. « Les
attitudes condamnables sont les attentats à la pudeur, le racolage sur la voie
publique (la prostitution dans les rues) et autres », a signifié le président
de l’ONG Secours Social, qui lutte en faveur des Droits des populations clés à
travers plusieurs initiatives.
Les
initiatives pour l’inclusion des personnes LGBTQ : le rôle de Secours Social
De
nombreuses associations et Organisations Non Gouvernementales (ONG) en Côte
d’Ivoire se battent pour que les Droits des personnes LGBTQI soient respectés,
que ce soit à Abidjan, Grand-Bassam, Dabou, en passant par Yamoussoukro,
Bouaké, Korhogo en allant jusqu’à San-Pedro. À Bouaké de façon spécifique,
l’ONG Secours Social se présente comme un acteur clé de ce combat à travers des
sensibilisations, des plaidoyers, des formations à l’endroit des journalistes,
des forces de défense et de sécurité et des agents de santé. Selon les
témoignages sur place, ce combat difficile a permis de réduire de façon
significative l'opinion et la perception que le commun des mortels a des
homosexuels dans la cité de la paix. « À Bouaké, je ne peux pas dire que les
personnes LGBTQ vivent à 100 % libres de tous mouvements. Par contre j'estime
que 60 % des personnes de cette population clé jouissent de leur liberté comme
tout autre citoyen », affirme M. Gnizako. « C’est grâce à nos programmes de
sensibilisations, de plaidoyers et de formations surtout en faveur des agents
de police que de nombreuses populations clés connaissent un peu de quiétude »,
se réjoui-t-il.
Poursuivant,
le premier responsable de « Secours Social » précise que 2010, son organisation
a « formé un grand nombre de policiers, sur les Droits des personnes, de
sorte à avoir des points focaux dans les six (06) commissariats de Bouaké ». «
Souvent des personnes clés violentées, stigmatisées qui arrivent dans des
commissariats de police se disent refoulées. Des policiers refusent de les
recevoir et même de les écouter du fait de leur orientation sexuelle. Et très
souvent si ces personnes ne sont pas assistées, ce sont-elles qui seront
incriminées en lieu et place du coupable de violence », explique M. Gnizako. «
Au regard d’une telle attitude venant de la part d’un agent de police censé
protéger les personnes victimes de crimes et de violences, par manque de
sensibilisation, ces hommes de loi se retrouvent eux-mêmes violeurs de Droit de
l’Homme », fait-il observer.
« A l’ONG
Secours Social, lorsque nous recevons des LGBTQ victimes de violences, nous
leur demandons d’abord la nature de leur violence. Ensuite, si les victimes
veulent porter plainte ou non, nous les accompagnons. Ce qui fait
qu’aujourd’hui, quand un LGBT a un problème à Bouaké, il part lui-même porter
plainte. Très souvent, justice lui est faite. Mais, il arrive parfois que
certains ne veulent pas porter plainte de peur que leurs familles ou entourages
connaissent leur orientation sexuelle », indique le président de l’ONG.
En vue de
freiner toutes ces discriminations dont sont victimes les personnes LGBTQI,
l’ONG Secours Social a initié un programme phare, intitulé « Vivre
ensemble en harmonie ». Ce projet se concentre sur des campagnes de
sensibilisation, pour déconstruire les préjugés auprès des leaders
communautaires et religieux. Des ateliers d’autonomisation économique sont
organisés, afin d’aider ces populations à sortir du cercle vicieux de la
pauvreté. Des centres d’écoutes et de soutiens psychologiques sont également
mis en place, où les bénéficiaires peuvent trouver une oreille attentive et un
accompagnement. Avec tous ces programmes d’appui initiés par « Secours
Social », ces personnes finissent par s’accepter elles-mêmes. Elles
changent ainsi le regard des autres vis-vis d’elles.
Le
témoignage de N.A.K, une jeune femme transgenre de 28 ans, atteste bien cela. «
Avant, je me sentais seule. Aujourd’hui, grâce à Secours Social, j’ai trouvé un
espace où je peux être moi-même », raconte-t-elle.
Accès aux
soins en toute légalité et sans discrimination
En Côte
d’Ivoire, les données montrent que ces populations représentent un groupe clé
dans la lutte contre le VIH/SIDA, mais leur marginalisation freine souvent les
efforts de prévention et de soins. Pour le président Gnizako, ce qui explique
les stigmatisations et discriminations dans les centres de santé publics et
parfois privés non spécialisés, c’est que les agents qui y travaillent ne sont
pas formés à la question des LGBTQI. « Pour un patient gay qui arrive dans ce
genre d’hôpitaux ; il peut expliquer à un médecin, ignorant le sujet, qu’il a
un mal du côté anal. N'étant point préparé à cette situation, le médecin sera
sur le choc. Il va lui rétorquer certainement sa religion ou sa tradition ne
lui permet pas de traiter ce genre de cas », explique le président de l’ONG « Secours
Social.
A la suite, M.
Gnizako rapporte que ses services ont été déjà confrontés à ce genre de cas. «
Avec ces comportements de rejet dans certains hôpitaux, le patient revient à la
maison avec son mal. S’il s’avère qu’il est atteint du VIH, il y a de gros
risques que la maladie se propage, parce-que parmi les LGBT, il, y’a des
bisexuels. C’est pourquoi, la formation des agents de santé est extrêmement
importante, pour faire évoluer les choses », lance-t-il.
Pour donc
renforcer le système sanitaire sur la thématique, les centres de santé «
friendly » (dédiés spécifiquement aux populations clés) sont les lieux
conseillés aux populations clés. « Lorsque les personnes LGBTQ, ressentant un
malaise ou sont victimes de violences viennent nous voir, nous les référons à
des centres de santé « friendly », comme l’ONG Renaissance Santé Bouaké (RSB)
et « ENDA Santé », en vue d’une meilleure prise en charge. Parce-que,
quand ils arrivent dans ces centres, ils sont bien accueillis », dit M. Lucien
Gnizako. Effectivement, les premiers responsables des services à « ENDA Santé
Bouaké », un des centres dédiés, confirment ces informations. Selon ces
responsables de « ENDA Santé », notamment des docteurs, des psychologues
ainsi que des juristes, confirment que « l’accent est mis sur l’accueil,
lorsqu’une personne LGBTQI arrive dans leur centre ». « Quel que soit le
motif de sa consultation, qu’il s’agisse d’un test de dépistage du VIH ou d’une
autre pathologie, l’accueil, est d’abord enthousiaste, en vue d’amener la
personne à se sentir chez elle », a soutenu docteur Madodé Marie Laure de « ENDA
Santé ». « Il est bien de noter que des personnes plus aisées, ayant plus
de moyens financiers, vont dans des grands centres de santé pour leurs soins,
loin des regards malveillants, au lieu d’aller dans des centres de santé
publics », argumente M. Gnizako.
Un
changement de mentalité en marche et les défis à relever
Les actions
de Secours Social semblent porter leurs fruits, même si le chemin reste encore
long. Si certains habitants de Bouaké, notamment les jeunes, montrent des
signes d’ouverture, d’autres groupes restent fermés au dialogue. Les
traditions, les croyances religieuses et la famille continuent de peser
lourdement. « Pour ce qui concerne les lesbiennes, leur discrimination et
violence se fait au niveau familial. Elles sont souvent obligées de se marier
de force ou de faire des enfants, qu'on retrouve souvent obligés de se prendre
en charge », affirme le responsable de l’ONG « Secours Social ». «
Mais la stigmatisation des lesbiennes n’est pas aussi élevée que celle des
gays, il y’a une certaine tolérance à leur égard. Par contre, les gays sont
beaucoup discriminés, rejetés, violentés verbalement comme physiquement. Je
peux estimer le taux de tolérance chez les lesbiennes entre 80 et 85% et entre
95 et 100 % de violence chez les gays », estime M. Lucien Gnizako.
Toutefois,
les campagnes de sensibilisation menées par l’ONG « Secours Social »
et ses partenaires portent ses fruits. Car, elles font changer la donne. Lors
des séances d'échanges communautaires, des leaders religieux et coutumiers se
sont engagés à promouvoir un discours inclusif. C'est une avancée majeure dans
une société fortement hiérarchisée. Malgré ces avancées, plusieurs obstacles
persistent. Les ressources financières limitées freinent les projets de grandes
envergures. Par ailleurs, la question de la légalisation de certains droits, surtout
pour les personnes LGBTQI+, reste un sujet politiquement sensible en Côte
d’Ivoire.
Pour « Secours
Social », il est clair que la lutte pour l’inclusion ne peut être gagnée
qu’avec une volonté collective. C’est pourquoi l’ONG, ne cesse d’instaurer des
projets de sensibilisations et de formations en partenariat avec la Ligue
Ivoirienne des Droits de l’Homme (LIDHO) et le Conseil National des Droits de
l’Homme (CNDH) au profit d’institutions, de communautés et des médias, en vue
de construire une société plus tolérante et respectueuse des différences.
Le combat
pour l’acceptation des populations clés à Bouaké et en Côte d’Ivoire ne peut
être mené par une seule entité. Cependant, des organisations comme « Secours
Social » jouent un rôle crucial dans ce processus. En promouvant
l’éducation, la sensibilisation et le dialogue, elle pose les bases d’une
société plus inclusive. Les défis sont nombreux, mais les succès enregistrés
montrent qu’un avenir où toutes les populations, sans distinction, qui vivront
dans la dignité et le respect est possible. Le chemin vers l’acceptation
commence avec des initiatives comme celles de « Secours Social », qui
placent l’humanité au cœur de leur mission.
Pour y parvenir, les dirigeants de l’ONG « Secours Social », de « ENDA Santé » et de la Clinique Juridique sont tous unanimes que la personne LGBTQI doit quant lui aussi améliorer son comportement dans la société, pour faire respecter son choix de vie.
Pour finir, le président de l’ONG « Secours Social » s’est adressé aux personnes LGBTQI en ces termes : « C‘est ton orientation, c’est pour toi seul. Tu n’as pas besoin de t’exhiber ni d’avoir des comportements choquant devant tout le monde. Surtout que toi-même tu sais que ton orientation n’est pas acceptée par tous. Donc il faut savoir faire la part des choses. Parce qu’un homme quand tu te fais respecter, tu es respecté. Mais quand tu ne te fais pas respecter, tu vas subir beaucoup de choses ».
Ismaël COULIBALY