Chronique : Tidjane Thiam, apatride malgré lui ?

SEKONGO Kassim Mer 12 Février 2025 grand-genre [33 articles] 1108 Vue(s)
Tidjane Thiam, l'actuel président du PDCI-RDA (ph. Archives)
En décidant, il y a quelques jours, de renoncer à la nationalité française pour briguer la magistrature suprême en Côte d'Ivoire, son pays d'origine, Tidjane Cheick Thiam, né le 29 juillet 1962 à Abidjan, s'expose au risque de l'apatridie.


Une lecture attentive de l'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne de 1961 permet de comprendre la menace qui pèse sur le champion du PDCI-RDA.


Que dit l'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne ?


L'article 48 stipule :

"Perd la nationalité ivoirienne, l'Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaître une telle nationalité.

Toutefois, pendant un délai de quinze ans à compter de l'inscription sur les tableaux de recensement, la perte est subordonnée à l'autorisation du Gouvernement par décret pris sur rapport du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et après avis du ministre de la Santé publique et du ministre de la Défense nationale."


L'application de la loi dans le cas de Tidjane Thiam


L'article 48 implique deux règles essentielles :


1. Perte automatique de la nationalité ivoirienne en cas d'acquisition volontaire d'une autre nationalité

Un Ivoirien majeur perd automatiquement sa nationalité s'il choisit volontairement une autre nationalité ou s'il reconnaît officiellement appartenir à un autre pays.

Après avoir obtenu son baccalauréat en 1978, Tidjane Thiam intègre Polytechnique en 1982, après ses classes préparatoires. C’est au cours de cette période qu'il opte pour la nationalité française.

Conformément à l’alinéa 1 de l’article 48, cette naturalisation entraîne ipso facto la perte de la nationalité ivoirienne, puisque la Côte d'Ivoire ne reconnaît pas la double nationalité.



2. Un délai de 15 ans durant lequel la perte de nationalité n'est pas automatique

Toutefois, pendant les 15 années suivant son recensement, cette perte n'est pas automatique. Pour que la nationalité ivoirienne soit officiellement perdue, le gouvernement doit l’autoriser par décret, après consultation des ministres de la Justice, de la Santé et de la Défense.

Dans le cas de Tidjane Thiam, entre 1982 et 1997, le gouvernement ivoirien aurait dû prendre un décret officialisant son option pour la nationalité française et sa déchéance de la nationalité ivoirienne. Or, aucun gouvernement ne l'a fait.




Quelle conséquence juridique ?


En l’absence de ce décret dans le délai imparti, Tidjane Thiam reste-il toujours ivoirien ? Absolument pas. En effet, le législateur, qui interdit la double nationalité aux Ivoiriens de naissance, considère qu’après 15 ans sans décret, l’individu concerné perd définitivement la nationalité ivoirienne.

Autrement dit, Tidjane Thiam a cessé d’être Ivoirien depuis au moins 25 ans si on part de 1997.


Un risque d’apatridie ?


En résumé, un Ivoirien adulte qui devient volontairement citoyen d’un autre pays perd sa nationalité ivoirienne, sauf s'il obtient une autorisation spéciale du gouvernement dans les 15 ans suivant son recensement.

Passé ce délai, la perte devient automatique dès qu’une autre nationalité est acquise.


En renonçant aujourd’hui à la nationalité française, Tidjane Thiam s’expose donc au risque de devenir apatride. Si la procédure aboutit, il ne sera ni Français ni Ivoirien. Pour recouvrer la nationalité ivoirienne, il devra, en vertu des articles 34 et 35 du Code de la nationalité ivoirienne, solliciter un décret de réintégration.


Allah Kouamé

Journaliste, écrivain

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