2017 Articles 19 Vidéos + 100 000 Visites / Mois Bouaké, Côte d'Ivoire
Des structures spécialisées en Droits,
comme la « Clinique Juridique de Bouaké », en santé, « L’ONG ENDA SANTE » et
sur le volet social, l’ONG « SECOURS SOCIAL » ont surtout été consultées pour
une meilleure expertise sur ce sujet, caution à toutes stigmatisations
sociales.
En Côte d’Ivoire, le Conseil National
des Droits de l'Homme (CNDH) a réussi à répertorier 28 associations qui luttent
en faveur des Droits des LGBTQ, pour sa « Cartographie des LGBTQ », publiée en
2023. Sans toutefois réussir à les comptabiliser toutes, le CNDH a pu lister
une seule association dans la ville de Bouaké qui est l’ONG « Secours Social ».
Cette ONG lutte pour la promotion des droits de l'homme et le respect des
droits des populations clés, LGBTQI et les minorités sexuelles. Malgré les
efforts consentis par cette ONG, de nombreux défis restent à relever pour les
populations clés, LGBTQI à Bouaké qui vivent entre harcèlement en milieu
scolaire, universitaire et sur le lieu du travail, entre chantage, mariage
forcé, résignation par la famille et des communautés religieuses, entre
difficultés d’accès aux logements etc…
Lors de notre entretien avec la
directrice de la clinique juridique de Bouaké, Mme Reine Kouamé, celle-ci est
revenu sur des témoignages à couper le souffle. En effet, notre interlocutrice
nous dit avoir reçu le cas d’un HSH (Homme ayant des rapports sexuels avec un
Homme), c'est-à-dire un Gay, prostitué de son état, à qui des jeunes de son
quartier ont tendu un appât ; dans l’objectif de l’agresser. « Objet de
provocations de la part de certains jeunes de son quartier venus le draguer,
pour une passe moyennant de l’argent, des jeunes ont accosté le gay prostitué.
Le rendez-vous étant pris avec son client, le nommé H.J.B (HSH) arrive sur les
lieux, pour pouvoir profiter de bons moments avec son amoureux de quelques
heures. Grande fut la surprise du gay de se voir encerclé de plusieurs jeunes
qui finissent par le tabasser et le dépouiller de son argent », explique
Mme la directrice.
« Un autre cas qu’on a accueilli
dans notre clinique juridique est celui de deux jeunes homosexuels victimes de
railleries et de provocations de la part de leurs camarades dans le quartier,
dont les parents ignorent leur orientation sexuelle. À la question de savoir
: Et s’il arrivait demain que les
parents sachent que vous êtes homosexuels ? La réponse est instantanée : ils ne
sauront pas toute de suite », raconte Mme Reine Kouamé. « Voilà le genre de situations auxquelles
sont constamment confrontés les homosexuels dans la ville de Bouaké »,
ajoute-t-elle.
Dans un rapport de l’Analyse Pays du
Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM ; Suisse), publié le 1er Décembre 2023,
il est écrit que l’ONG Secours Social, soutient « qu’à Abidjan, les esprits
sont plus ouverts, mais dans le Nord, ou dans certaines ethnies, si on ne se
marie pas, la famille trouve un(e) conjoint(e) et organise le mariage. »
Perceptions des personnes LGBTQI par
la société à Bouaké. Propos recueillis aux quartiers Nimbo, Commerce et à
l’Université Alassane Ouattara,
« L'environnement social
stigmatisant pour les populations lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et
queers (LGBTQI) en général et les populations clés en particulier à Bouaké, et
de l'attachement des populations de Bouaké (Baoulé et Malinké) à leurs cultures,
traditions et croyances religieuses, la situation de précarité et d'isolement
de cette communauté ne cesse de s'aggraver. […] La récente crise « zéro woubi
en Côte d’Ivoire » en est un exemple palpable. Les croyances, les coutumes et
les systèmes juridiques discriminatoires sont trois facteurs majeurs qui
rendent l'environnement difficile pour les personnes LGBTQ et les populations
clés dans la région de Gbêkê en général et à Bouaké en particulier »,
peut-on lire sur un document de l’ONG SECOURS SOCIAL, à l’occasion d’une
formation au profit des journalistes, leaders religieux et communautaires de la
région de Gbêkê.
L’objectif général de cette session de
formation était de « contribuer au renforcement des connaissances des
journalistes et briser les barrières culturelles et religieuses en impliquant
les parties prenantes dans la sensibilisation et la déconstruction des idées
reçues. »
Après avoir sillonné les quartiers
Commerce, Nimbo où nous avons tendu notre micro à certaines personnes pour nous
donner leurs avis sur les personnes LGBTQI et l’université de Bouaké (référence
au rapport 2023 de SEM ; Suisse), il en ressort qu’en général, la population a
une perception « extrêmement négative » de l’homosexualité. Cela se
traduit par des termes injurieux et dévalorisants. A.B, jeune commerçant de 37
ans au quartier Commerce a, pour sa part, indiqué que « les personnes LGBT
doivent être punies par Dieu, parce que les écritures saintes condamnent leurs
pratiques ». À Nimbo également,
force est de constater que les propos de rejet des LGBTQI ressortent. Selon
Mademoiselle, C.A.K, élève en classe de 1ère, « la loi doit les punir. » Elle
va encore plus loin en affirmant que « Le gouvernement doit prendre des
mesures nécessaires pour freiner ces pratiques indécentes. »
Toujours selon le rapport de l’Analyse
Pays du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM ; Suisse), le poids de la
religion, des traditions et des coutumes influence cette perception négative de
l’homosexualité, qui est notamment vue comme une pratique qui défie les
préceptes religieux (chrétiens, musulmans ou juifs). Ce rapport révèle les
propos d’un prêtre et universitaire qui officie dans un diocèse ivoirien
expliquant que : « dans les sociétés africaines, en général une sexualité
qui n’est pas procréatrice est une infamie. Parce-que les Africains restent
attachés à l’idée d’être médiateur de vie, acteur de la vie et de donner la vie
pour que la communauté, dans laquelle on vit et on meurt, ne s’éteigne pas
après nous et que, d’une certaine façon, nous y soyons toujours présents. Il y
a là-dedans une sorte de « valeur sociale. »
Un autre universitaire, chercheur du
Laboratoire de santé, sexualité, genre et développement (LA2SGED) de
l’Université Alassane Ouattara de Bouaké a déclaré que les LGBT sont vus comme
« déviants » en Côte d’Ivoire, lu dans le rapport de SEM ; Suisse.
Prise en charge
juridique et sécuritaires des LGBTQI en Côte d’Ivoire, cas de Bouaké
« En Côte d’Ivoire, la loi ne punit
pas les relations sexuelles entre personnes de même sexe adultes et
consentantes », dixit la directrice de la clinique juridique de Bouaké, Mme
Reine Kouamé. « Ce que la Constitution ivoirienne dit est que « Tous les
Ivoiriens naissent et demeurent libres et égaux en droit ». [..] Donc on
ne peut condamner, tabasser ou agresser une personne parce qu'elle est née
homme et se sent femme ou vice-versa », précise Mme Reine Kouamé.
« Ce qui est plutôt puni par la loi
c’est l’attentat à la pudeur en public, y compris des actes intimes entre
personnes de sexe opposé ou de même sexe accomplis en public », a-t-elle
renchéri.
Dans le rapport de l’Analyse Pays du
Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM ; Suisse), le CNDH précise que la Côte
d’Ivoire a ratifié des traités internationaux prohibant la discrimination
fondée sur le sexe et sur « toute autre situation », et note que la Côte
d’Ivoire a ratifié plusieurs traités ou accords internationaux qui, selon le
Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), « accordent une
protection juridique aux citoyens des pays signataires, sans discrimination, y
compris les personnes LGBTI. »
Dans ce rapport, le PNUD souligne que
les « transsexuels au regard de la loi pénale se trouve encore dans une
certaine insécurité juridique, eu égard à la répression de faits comme le
racolage imputés aux travailleurs du sexe ».
Selon Secours Social, « [..] le
simple fait qu’un auteur de violences envers des LGBT soit convoqué au
commissariat, contribue à diminuer les violences. En effet, cela passe un
message : « on ne peut plus tabasser des LGBT en toute impunité », propos
tirés dudit rapport.
Selon Mme Reine Kouakou et sa
collaboratrice, la situation sécuritaires des LGBT demeure toutefois précaire.
« Parfois dans les commissariats, ils arrivent que les policiers aient des
attitudes stigmatisantes (mépris, moqueries, etc…) lorsque que des hommes se
déclarent victimes de violences sexuelles », déclare la responsable de la
Clinique Juridique de Bouaké.
Accès aux soins
des personnes et prise en charge des personnes LGBT en Côte d’Ivoire et plus
spécifiquement à Bouaké
L’ONG Secours Social mentionnait dans
le document SEM ; Suisse que la prise en charge des HSH en matière de VIH/SIDA
ne pose pas problème. A ENDA Santé à Bouaké, ce constat a été confirmé par les
responsables du centre. Pour commencer, « nous avons trois (03) types de
prise en charge qui sont la prise en charge sanitaire, psychologique et
juridique », a indiqué M. Josué Biekoua, Chef Bureau ENDEA Santé Bouaké.
« Dans notre centre, qu’il s’agisse
d’une atteinte du VIH-SIDA ou toutes autres pathologies l’accueil est d’abord
enthousiaste », affirme le médecin Madodé Marie-Laure de ENDA Santé. « Les
personnes LGBTQ, sont comme toutes autres personnes avant d’être identifiées
comme LGBTQ, donc leur prise en charge sanitaire se fait comme tout patient que
nous recevons sans distinction. Ils bénéficient d’un accueil et d’un traitement
convivial, afin qu’ils se sentent comme chez eux », déclare le docteur
Madodé.
« J’ai reçu un cas dernièrement,
atteint de VIH, qui n’adressait plus la parole aux membres de sa famille. Mais,
lorsque sa famille l’a ramené au centre, aujourd’hui tout va bien, elle vit à
l’aise avec tout le monde », raconte le docteur Madodé. « Il arrive
parfois que ces personnes clés sont dépistées négatifs au VIH, nous leur
conseillons la PrEP, qui est un traitement préventif et rester en bonne santé,
ou encore le préservatif, pour qu’il garde le même comportement de demeurer
sain. Ceux qui sont déclaré positif ont un suivi spécifiquement, afin qu’ils
prennent leur médicament convenablement et qu’ils n’en manquent pas »,
explique-t-elle.
A ENDA Santé, les personnes clés
bénéficient également d’une prise en charge psychologique et même juridique. « Lorsque
nous les recevons dans nos locaux, ils jouissent d’un accueil, d’une mise en
confiance, d’une consultation psychologique et une psychothérapie etc... […]
tous cela se fait dans une stricte confidentialité », rajoute M. Kouakou
Kouadio, psychologue à Enda Santé. « Nous leur tenons un discours de
courtoisie de telle sorte que, les personnes LGBTQI, déclarées séropositifs, se
sentent en confiance, pour qu’ils comprennent que ce n’est une fatalité. »,
dit le psychologue Kouakou.
« Lorsque des LGBTQI sont victimes
de violences de n’importes quelles natures qu’elles soient et que ENDA santé
est saisi pour traiter la question, nous répondons du mieux possible »,
Selon la Juriste, Conseillère de la structure sanitaire, Mme Aladé Agnès
Ebrotié. « Au niveau d’ENDA Santé, quand une personne est violentée à cause
de son orientation sexuelle et qu’elle arrive au centre, c’est d’abord l’écoute
ensuite les conseils, même si elle ne veut pas porter plainte, c’est le rôle
que nous jouons. Ils arrivent souvent que certaines victimes refusent de porter
plainte, de peur d’être stigmatisées », a exprimé Mme Ebrotié.
Poursuivant, la conseillère juridique
a affirmé avoir reçu « 23 personnes violentées physiquement, en raison de
leur orientation sexuelle. Sur les 23, il y’a 05 qui ont porté plainte, dont le
dossier suit son cours à la justice ».
Face à tous ce que vivent les
populations clés au quotidien en Côte d’Ivoire et plus particulièrement à
Bouaké, les responsables d’ENDA Santé et de la Clinique Juridique lancent un
appel à la société d’être indulgent avec ces populations surtout les LGBTQI. « Car
ces personnes n’ont pas choisi cette orientation sexuelle pour certains et même
si pour d’autres cela reste un choix volontaire. C’est leur Droit. D’autant
plus que la loi ne les condamne pas. Ces personnes sont libres de faire de leur
corps ce qu’elles pensent bien pour elles », soutiennent-ils.
La stigmatisation des populations
clés, en particulier les LGBTQI, reste un défi majeur à Bouaké. Toutefois, des
initiatives locales et internationales émergent pour garantir à ces communautés
des conditions de vie dignes. Ce reportage, en mettant en lumière les réalités
sur le terrain, espère contribuer à un changement de mentalités et à une
meilleure prise en charge des besoins de ces populations vulnérables.
Ismaël COULIBALY