Libre opinion Insécurité routière à Bouaké: Quand la voix du peuple et la parole donnée font bon ménage! Tuo Fozié, Un préfet qui respecte la parole donnée

« Vox Populi, Vox Dei ». Autrement dit « La voix du peuple, c’est la voix de Dieu. ». En prononçant cette formule qui marque les esprits au moyen-âge européen, Alcuin Albinus (Vers 735-804), le conseiller anglo-saxon du roi des Francs Charlemagne dit Charles 1er ou Charles le Grand, venait de donner aux révolutionnaires et autres acteurs des actions collectives, des mouvements sociaux ou de la politique contestataire une arme de justification de leur combat. Même si, l’honnêteté intellectuelle l’oblige, Alcuin n’entendait pas donner le sens que la conception populaire a retenue, cette formule, est aujourd'hui utilisée pour servir les causes syndicales, de la démocratie directe, de la liberté d'expression et de la justice populaire. En effet, Alcuin, le savant anglo-saxon et conseiller de Charlemagne vers 798, alors qu'il répond à une série de questions érudites envoyées par le souverain, écrit : « Le peuple doit être dirigé selon les lois divines, et non être obéi [...]. Il ne faut pas écouter ceux qui ne cessent de dire : "La voix du peuple est la voix de Dieu", car la vocifération d'une foule est toujours proche de la folie.». Autant vous dire qu'Alcuin ne défendait pas la vox populi! Il encourage au contraire Charlemagne à renforcer le régime de la théocratie royale qui est au moyen-âge le gouvernement de Dieu sur terre à travers le seul roi des Francs. Quoi qu’il en soit cette formule populaire prononcée par Alcuin sera reprise dans le cadre des révolutions, des actions collectives et des politiques contestataires et des mouvements sociaux à travers le monde occidental pour légitimer l’action de la masse. A Bouaké la dernière marche des étudiants de l’Université Alassane Ouattara a donné tout son sens à la locution ‘’Vox populi, vox Dei’’. Sortis pour manifester le lundi 9 août 2021 contre l’insécurité routière, les étudiants en majorité du syndicat du Comité des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (CEECI), n’avaient qu’une seule revendication à la bouche : la pose de dos d’âne sur le tronçon de 1,5 km sur le boulevard Reine Pokou séparant les Campus 1 et 2. Cette marche qui a mobilisé une foule d’un peu plus d’un millier d’apprenants est partie du Campus 2 à la préfecture de Bouaké distant de 7 km. Lors du meeting, les étudiants ont demandé la pose de dos d’ânes ou de bandes rugueuses sur cette voie internationale menant au Libéria et en Guinée. « Ce qui explique notre présence ce matin à la préfecture de Bouaké, c’est que sur le boulevard qui passe devant les campus 1 et 2 de l’Université Alassane Ouattara, nous enregistrons un taux élevé d’accidents, de mortalité de nos camarades et étudiants. C’est pourquoi nous sommes venus à la préfecture pour expliquer notre ras-le-bol. Nous avons demandé au préfet de faire en sorte que des dispositions de plus en plus sérieuses soient prises dans l’immédiat pour freiner les risques d’accidents et éviter les pertes en vies humaines que nous enregistrons au quotidien. Plusieurs propositions ont été faites dans le sens de ralentir les vitesses. Nous avons proposé dans un premier temps qu’on mette des dos d’âne. En plus, une étude a été faite avec les techniciens pour l’installation des feux tricolores sur la voie. Nous avons mis des balises. Mais elles sont inopérantes car elles n’ont pas mis fin aux accidents. C’est pourquoi, cette fois nous demandons qu’il y ait des dos d’ânes. Nous attendons des dos d’ânes, sinon nous ne reprenons pas les cours.», a égrené Coulibaly Zana, secrétaire général 1 du CEECI. Le ministre Tuo Fozié, Préfet de région de Bouaké au cours des échanges a donné 24 heures aux manifestants pour réaliser leurs volontés. « Je ne m’expliquerai pas devant vous ce matin par des mots. Mais je m’expliquerai par des actes/ Je ne vous promets rien. Je vous donne 24 heures. S’il n y a pas d’actes concrets, nous déménageons tous à la préfecture de Bouaké. Si pendant les 24 heures il n y a pas d’engagement pris par l’Etat de Côte d’Ivoire, je vous invité à la préfecture.», a rassuré Tuo Fozié. Effectivement le mardi 10 août 2021, au petit matin, les entrepreneurs ont entrepris des travaux à la grande joie des étudiants mais surtout à la surprise des usagers. Depuis le 10 août 2021, 7 séries de dos d’ânes et de bandes rugueuses ralentissent la circulation entre les campus 1 et 2 de l’Université Alassane Ouattara pour le bonheur de la sécurité routière. Selon les statistiques du ministère des transports, l’année dernière, la route a occasionné environ 1200 morts en Côte d’Ivoire. A Bouaké, le tronçon entre les campus 1 et 2 a fait plusieurs morts d’élèves ou d’étudiants. De mémoire des populations, c’est un cas exceptionnel de la parole donnée qui mérite d’être salué pour deux choses. D’abord la marche des étudiants a révélé que la voix du peuple peut être véritablement la voix de Dieu, lorsqu’elle est bien portée dans un esprit républicain. Ensuite, cette marche montre que des autorités peuvent tenir parole de leur engagement. Le Préfet de région, Tuo Fozié a pris l’engagement devant plus d’un millier d’étudiants de régler leurs revendications en 24 heures. Et cela a été fait. Le sens de la parole donnée des gouvernants rassure dans la gestion des affaires publiques. C’est la preuve de la capacité des gouvernants à engager des politiques publiques. Tel doit être le sens de l’action publique.

Allah Kouamé. Juriste- Journaliste et Ecrivain